dimanche 16 octobre 2011

l'archer

Un jour, dans le désert, l'archer a été fatigué.
Alors dans la belle nuit étoilée, comme elle peut l'être, et si joliment !, dans le désert, il a posé son arc et ses flèches près d'un rocher et un buisson, et il s'est assoupi. Il ne savait pas que c'était un buisson magique.

Il s'est réveillé un peu plus, reposé, prêt à repartir. Il faisait encore nuit. Il a repris son arc et ses flèches. Mais le buisson était devenu partie des flèches, les flèches devenues magiques. Elles avaient désormais une double pointe, une pointe magique (côté extérieur, vers la cible), et une pointe terrienne (côté tireur). Il ne le savait pas. Avant de repartir il en a tiré une vers le ciel, vers les étoiles et il s'est blessé...

Sa flèche magique a atteint les étoiles, mais en emportant un bout de lui même au passage.
C'est depuis ce moment que certains disent que le savoir ésotérique coûte et laisse une blessure, pas une blessure grave, et pas au sens de douleur. Mais au sens de marque, une trace physique...

mardi 11 octobre 2011

Bits of Leb (linguistique, liste évolutive et potentiellement sujette à controverse)

Je prends des cours de Libanais. Mon prof est génial et très généreux de ses réflexions, c'est une chance et je suis reconnaissante de ses enseignements. Certaines particularités m'ont fascinée.

On utilise le verbe être différemment. En Français on nous apprend à l'école, sujet+verbe+attribut du sujet, une phrase sans verbe n'est pas une phrase. En libanais c'est différent, le verbe être n'est pas utilisé comme cela, à la légère. L'essence se suffit à elle-même, si elle est, on la sent mais on ne la qualifie pas par des mots (a fortiori par un verbe), et si elle n'est pas, ce n'est pas un verbe qui va l'amener... Effectivement en nommant l'essence, on l'enferme par des mots, relatifs, dans un moment, qui passe et qui change... Or l'essence n'est-elle pas par définition, sans se contredire pour autant, et c'est là son privilège A LA FOIS impérissable, éternelle (hors temps) et transcendante ET complètement périssable et sujette à évolution ? quels mots traduisent cette particularité sans la trahir? seule l'intuition... alors c'est bien, n'en parlons pas, et laissons l'essence sous entendue :)
(Ou alors on peut renverser l'amusement : le verbe "être", son existence même, est une contradiction et un paradoxe entre contenant et contenu...).

Ça c'est encore plus magnifique, c'est énormissime : pas de futur simple. Demain n'est pas encore, on ne sait pas s'il va être, c'est comme les embouteillages de Beyrouth. On peut parler avec justesse de son intention, mais pas de ce qui sera ou ne sera pas, or il s'agit de parler justement sinon une parole n'a plus de valeur. On ne dit pas "je mangerai" mais "je veux manger". Les tapis magiques se gouvernent à l'intention et ne reçoivent pas sur rendez-vous :) mais ça on le sait depuis qu'on est tout petit :)

Ça aussi ça m'enchante, j'en souris rien que d'y penser, parce que c'est très fin : on compte à partir de trois. En Français le pluriel commence à partir de deux. En libanais c'est singulier, duel, pluriel. Autrement dit, on commence à compter, à remarquer, à partir de trois. Un est tout seul, deux est particulier, et puis après c'est pluriel. Je trouve très joli que deux soit particulier aussi. Et puis dans le pluriel, il y a le pluriel des objets et le pluriel poétique ou  générique. Je trouve très joli de distinguer le pluriel des objets matériels et le pluriel de l'idée impérissable et intouchable, donner une existence conceptuelle. :) l'existence de l'essence est sous entendue implicitement par le choix du mot plus que par le verbe être :)

Pour l'instant cela fait trois points notables. Cela justifierait un pluriel :) mais j'ai encore beaucoup, tellement, à apprendre. ouf tant mieux!! je contente...

vendredi 7 octobre 2011

l'histoire de l'oiseau-désir

C'est une histoire, aujourd'hui. Ca commence un peu tristement, mas je vous promets que ca se finit bien.

C'est l'histoire d'un oiseau nommé Désir. Il est très beau, très grand, il a de très grandes ailes, très fines, diaphanes, transparentes presque, et ce n'est pas sa seule particularité... il a aussi des plumes qui changent de couleur, selon comment il se sent. Il peut avoir des plumes couleur feu, chatoyantes, jolies, des couleurs chaudes, des couleurs voisines et différentes pourtant qui se mélangent et se confondent et dessinent ainsi des motifs presque et puis parfois quand l'oiseau est plus calme il prend des teintes bleues, turquoise, couleur océan, comme un océan de fraicheur, et les tonalités de bleus qui se mêlent et se démêlent dessinent des vagues, des vagues et des lames, et puis quand il se sent mystique il devient violet bleu nuit, avec des étoiles qui scintillent et même si on regarde bien parfois des étoiles filantes, sauf si son humeur a changé avant et qu'il est devenu un peu triste, auquel cas, il prend la couleur gris bleu et vert un peu des cieux pluvieux, et on devine la pluie qui tombe comme la tristesse des yeux parfois mais... ca c'est toujours avant l'éclaircie, il faut la guetter, puis les plumes devenues d'argent redeviennent d'or comme le soleil qui triomphe des nuages, pour celui qui pense à lever le nez, parfois tout d'un coup parfois progressivement.
C'est un oiseau très rare et tout à fait magnifique. En plus de son plumage somptueux, on dit qu'il chante quand il vole, et que son plumage devient un ballet de couleurs qui danse au son de ces notes, colorées, et légères, elles aussi... On dit que son chant calme le pire des ouragans, pacifie, comme un vent de sérénité et de paix, un sentiment doré et plein, heureux, de toutes les couleurs, enfin seulement les plus belles, et quand il s'arrête de chanter, pour prendre son souffle, les futilités ont fondu pour laisser place à un moment plein et rond, de vie et de paix.


Mais ca, personne ne le savait pour sûr. Je vous avais dit que l'histoire commençait tristement, et maintenant vous allez comprendre pourquoi. Parce que personne ne l'avait jamais vu voler. Il était en cage. C'était très triste, et il n'y avait rien de plus triste même. Une cage, quel qu’en soit son métal, est déjà un objet d'une tristesse infinie, mais cette cage là était bien plus redoutable encore : elle était invisible.
Des sages de tous les pays sont venus voir cet oiseau rare, pour essayer de comprendre pourquoi il ne volait plus, pour essayer de le faire voler, pour essayer de le faire sortir de sa cage, pour le divertir, pour que le monde retrouvât la beauté de sa joie. En vain, rien n'y a fait. Ca a duré longtemps. Ce fut compliqué. Des scientifiques sont venus de partout pour le mesurer, ça a couté beaucoup d'argent, ils se sont querellés, pour savoir qui avait raison, quel était le problème. On a parlé d'alimentation, de climat, de facteurs dont les noms sont trop compliqués pour que je les relate... Ca a duré trop longtemps. Parfois l'oiseau a commencé une note, puis deux, pluie trois, commençait à voler, et se cognait contre les barreaux de cette cage invisible, se blessant, à chaque fois un peu plus, et il s'arrêtait de chanter, de douleur. Cette cage lui brisait les ailes. On se demandait en quoi elle était faite cette cage qui semblait se refermer sur lui. Le plus inquiétant c'est que même son plumage se ternissait. De plus en plus souvent, il était gris, et ça, c'était trop triste, c’est comme si la cage devenait de plus en plus lourde et étroite.
Et un jour un hérisson ébouriffé venu d'ailleurs est passé par là. Il a regardé l'oiseau. Il n'a pas parlé. Il n'a pas mesuré. Il n'a pas sorti de théories compliquées. Il a regardé. Il a senti. Il a souri. Il a tendu la main, doucement, toujours sans parler. Et il a chanté avec les yeux.
Il a dit


"Oui... Je te vois, toi, l'oiseau-désir. Je te vois et je te sens. Je vois toutes tes couleurs en même temps, j'entends tes chants passés, j'entends tes chants à venir, et je les aime, tels qu'ils ont été, tels qu'ils seront. Je sais que tu ne parles pas avec des mots, que tu n'entends pas avec tes oreilles, que tes rires et tes larmes se mélangent parfois et deviennent couleurs et chants, et je les aime aussi. Je sais que tu te demandes pourquoi cette cage te laisse sans voix, impuissant et triste. Je sais que tu te résignes et que cela te rend gris, tu vois, je vois cela, je te dis tout ca avec mes yeux, en te souriant, en te sentant, les yeux fermés ou les yeux ouverts. Cette cage que personne ne voit, et qui t'emprisonne et qui t'épuise et qui te blesse, je la vois aussi. Elle est redoutable. Elle n'est faite ni en métal qui rouille ni en métal qui fond. Elle est plus solide encore, puisqu'elle est faite d'ignorance, de querelle, de désharmonie et de discorde, d'orgueil, de chantage anti-chants, et si elle t'empêche de voler de tes ailes c'est qu'elle est trop lourde. Je vois tout cela, moi qui suis passé par hasard dans le coin et qui t'ai vu. Et je sens ta tristesse aussi.
Mais regarde, même si je sens ta tristesse, je ne suis pas accablé, l'oiseau-désir. Regarde et tu vas voir que je te souris. Ecoute mes mots sans mots. Et si tu écoutes et si tu regardes encore, tu vas entendre et voir un sourire en toi, et c'est lui la clef de ta cage. Un sourire de magnanimité, que je t'adresse, regarde, regarde comme tu peux voler haut avec, car il est plus fort, que l'ignorance, la querelle, la discorde, l'orgueil... ta cage ne résiste pas à ce sourire-là" je crois qu'ils se sont dit d'autres choses encore, sans parler, mais ça les regarde, et c'est une autre histoire.


Je vous ai dit que l'histoire n'était pas triste. C'est tristissime pourtant, d'imaginer cet oiseau dans cette cage, emprisonné. Mais il y a eu un miracle, je vais vous raconter pourquoi.
L'oiseau-Désir, qui n'avait presque même pas vu les scientifiques avec leurs appareils compliqués, l'oiseau-désir qui devenait tout gris, a vu le sourire du Hérisson encore plus ébouriffé que d'habitude. C'est ça le miracle. Il l'a vu et il a vu son sourire et entendu toutes ses paroles dites sans un mot. Alors il a souri, lui aussi, devant tant de beauté de toutes les couleurs. Il a souri, et comme le hérisson avait dit, parce que le hérisson a souvent raison, et je vous raconterai une autre fois, il a trouvé la clef de sa cage... elle qui était si lourde et accablante a fondu... alors il a pu voler dans les airs, libre enfin ! Libre enfin d'enchanter tout le monde par ses chants et ses couleurs, libre enfin de chanter le monder et ses couleurs, libre enfin de chanter le monde et danser au ballet du vent... ses plumes toutes grises et ternes sont redevenues chatoyantes et splendides... je vous laisse imaginer la tête déconfite des savants du monde et toutes leurs mesures-leurre...

Il est très beau, l'oiseau Désir. Je vous souhaite de le rencontrer ! Et vous l'entendrez, si vous écoutez, vous le verrez si vous gardez l’œil ouvert, vous le reconnaîtrez, c’est sûr, au sentiment de paix dorée qui l’entoure ! N'oubliez pas de lui sourire ! Pour qu'il vole et qu'il chante, longtemps encore, toujours...

mercredi 5 octobre 2011

les noms

celui de l'état civil, quand tu t'es présenté, m'expliquant avec un grand sourire l'étymologie de chacun d'entre eux
celui que tes amis te choisissent selon l'humeur et les moments, jamais pareil toujours rigolo et adéquat
celui qu'on ne révèle pas, on le devine tout de suite ou jamais, et si je connais ton nom c'est que tu connais aussi le mien, si je te vois c'est que tu me vois
celui que je ne peux pas dire avec des mots, car tu es tellement près que les mots sont déjà une distance
et puis celui qui prend parfois plusieurs vies à découvrir

out of the box

always a stranger
a foreigner
from the other side
belonging elsewhere
wherever I am
longing for home
wherever that is
free to think
and free to go
mixed blessings indeed
out of the box

chemins

le temps que prend une petite bulle d'air pour rejoindre la surface de l'océan
le rock and roll des gouttes de pluie sur les fenêtres de tgv
une prise de conscience
un rêve devenu évidence
des secondes des heures des années
un battement de cils
parfois c'est pareil
des chemins
qui m'émerveillent

dimanche 2 octobre 2011

visite au jardin

Little bouddha est au fond du jardin, au milieu,en position du lotus, sur l'herbe, au soleil, en inimitables baskets à velcro. Il a le meilleur spot. Il est en position du lotus, et il médite, et en même temps il rigole. Il rigole tout le temps, il ne s'arrête jamais, il irradie la paix et les sourires. Parfois il est très grand parfois très petit, ah c'est qu'il voyage beaucoup, parfois très loin même dans des galaxies qu'on ne peut même pas imaginer, sans jamais bouger d'un centimètre, il est très fort. Quand il est là, on le sent bien, il prend toute la place, et quand il est très loin il faut tendre les oreilles intérieures pour l'entendre rigoler, doucement, comme une respiration, régulière, sur laquelle je me cale pour être calme. Parfois il revient de ses voyages, quand il est arrivé ici il ouvre les yeux et c'est une super surprise, comme un éclat de rire et de joie parce que je suis toujours heureuse de le voir. C'est toujours une surprise, et je lui dis toujours "quelle surprise" et ca le rend toujours fier d'avoir à la fois surpris et causé de la joie, mais en même temps, il est tellement poli, il s'annonce toujours, même si c'est subtil. Je ne lui dis pas, ça, en revanche, je ne veux pas lui dire, parce que je ne sais pas s'il comprendrait que tout en n'étant pas surprise de le voir, je le suis quand même! Parfois quand je le regarde, au milieu du jardin, je me dis qu'il sourit, et qu'il rigole aussi parce qu'il a le meilleur spot, et qu'il ne va pas bouger d'un iota. Il ne cèderait pas sa place, il n'en est même pas question, la possibilité n'existe même pas! Quelle insolence! je m'incline en souriant, devant autant d'audace. Oui, ca aussi il en a beaucoup. Je me souviens, il est rentré dans le jardin, il a regardé autour, sans hésitation, il a choisi sa place, la meilleure, en souriant, comme d'habitude, tout simplement, comme d'habitude, et il s'est assis en tailleur, et voilà. C'est curieux la vie, hein? Pourtant ca c'était tout naturel.
Parfois il y a des invités. Il les observe du fond du jardin, hausse un sourcil, un instant, comme s'il se disait, ah tiens, aujourd'hui un invité. Et sourit et retourne, impassible, radieux, à ses pensées-monde.
La lionne, elle n'est pas loin, elle n'est jamais loin. Elle ronronne au soleil, ou elle fait le tour du jardin. Fauve, couleur terre. Des grosses pattes velours sur l'herbe fraîche et verte. Elle garde le jardin. Elle sait ce qu'elle a à faire.Si quelqu'un s'approche trop ou maltraite le jardin, elle gronde. Indiscutablement et sans discuter, la lionne, massive. Elle fait sa ronde.
Aujourd'hui les papillons sont en crise, mais ils ne m'ont pas dit pourquoi ils sont inquiets. Du rififi dans le jardin?

Hier la lune, dans un ciel bleu limpide la lune déclinante était fine et ciselée, éclatante aussi, pourtant. Une lame-lune nette et mince. Elle me rassure mieux quand elle est moins pointue. Elle non plus ne s'est pas expliquée...

Alors je ferme les yeux, et j'écoute petit bouddha velcros, il rigole, toujours toujours... parfois de plus près, parfois de plus loin..
A tout à l'heure... il m'expliquera la lune, et les papillons... il rigole toujours entre deux sourires... c'est bien comme ca...