dimanche 12 février 2023

La nostalgie d'un lieu qui n'existe plus

 

Aujourd'hui en voulant écouter Creep sur youtube je suis tombée sur le clip de Charlotte Gainsbourg et Johnny Depp tourné au Virgin des Champs. Les jeunes d'aujourd'hui ne vont même pas comprendre de quoi je parle. Et pour la première fois de ma vie j'ai cette nostalgie au ventre d'un lieu qui n'existe plus parce que les temps ont changé.

Les casques du Virgin, de la Fnac, leurs câbles caractéristiques avec les rainures horribles (les même câbles que ceux des cabines téléphoniques soit dit en passant), rigides et froids au toucher (j'aimais pas), les gros boutons physiques à appuyer (j'aimais bien) pour passer le cd à la prochaine chanson, les codes implicites : celui qui arrivait en deuxième (deux casques par borne) pouvait écouter la musique aussi, mais le droit de changer les chansons revenait à celui qui était arrivé en premier. La complicité fugace et anonyme d'écouter le même morceau en même temps, ou l'irritation extrême, ça dépendait des cas. Les vendeurs toujours débordés qui sillonnaient les allées en courant à moitié comme des insectes affolés, alpagués tous les deux mètres par des clients aux questions diverses et toutes plus pressantes les unes que les autres, et les bras chargés de CD, toujours en gilet/maillot rouge en polyester chez virgin, jaune moutarde à la fnac, deux couleurs qui si possible n'allaient avec rien, toujours amusant de faire le lien entre le style de musique et le vendeur en question.

J'y allais au moindre événement marquant, rencontre inoubliable pour retrouver cette musique que je venais de découvrir (à tous les sens, toute l'essence, toute l'effervescence du terme enfin plutôt du début), rupture insurmontable pour diluer la douleur (de terme justement), ou juste comme ça sans raison du tout, seule ou avec des amis mélomanes, ou bien au détour d'une balade pas trop nocturne (mais je crois qu'il y avait des nocturnes, d'ailleurs ? des jours où c'était ouvert plus tard que les autres jours ?), ou juste parce que je passais devant et voulais entendre une mélodie en particulier, ou celles d'un album qui venait de sortir.

Clin d'œil à ceux qui comprennent, gratitude anonyme immense à ces derniers d'avoir été le témoin de mon époque : car ces lieux n'existent désormais que pour nous, par nous et en nous. La société, la technologie les rend désormais impossibles, désuets : elle n'a plus de lieu pour eux, elle les confine à nos mémoires et à nos cœurs : elle les atopise, elle les uchronise.
Il est là, mon âge, bien plus que dans un sillon sur mon visage : dans des habitudes d'un autre temps, dans la nostalgie d'un lieu qui n'existe plus. Il se voit, mon âge, quand je parle aux jeunes de ces lieux et que leur sourcil se hausse, et que leur visage se plisse : mais de quoi elle parle, encore, youtube c'est bien plus pratique... alors je souris un peu : cela aussi passera... et je me demande de quels lieux ils auront la nostalgie, eux aussi un jour... j'essaye d'imaginer, et puis je souris tout à fait, dans l'imagination, elle est là notre jeunesse...

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