Aujourd'hui en voulant écouter Creep sur youtube je suis
tombée sur le clip de Charlotte Gainsbourg et Johnny Depp tourné au
Virgin des Champs. Les jeunes d'aujourd'hui ne vont même pas comprendre
de quoi je parle. Et pour la première fois de ma vie j'ai cette
nostalgie au ventre d'un lieu qui n'existe plus parce que les temps ont
changé.
Les casques du
Virgin, de la Fnac, leurs câbles caractéristiques avec les rainures
horribles (les même câbles que ceux des cabines téléphoniques soit dit
en passant), rigides et froids au toucher (j'aimais pas), les gros
boutons physiques à appuyer (j'aimais bien) pour passer le cd à la prochaine chanson,
les codes implicites : celui qui arrivait en deuxième (deux casques par
borne) pouvait écouter la musique aussi, mais le droit de changer les
chansons revenait à celui qui était arrivé en premier. La complicité
fugace et anonyme d'écouter le même morceau en même temps, ou
l'irritation extrême, ça dépendait des cas. Les vendeurs toujours
débordés qui sillonnaient les allées en courant à moitié comme des insectes affolés, alpagués tous
les deux mètres par des clients aux questions diverses et toutes plus
pressantes les unes que les autres, et les bras chargés de CD, toujours
en gilet/maillot rouge en polyester chez virgin, jaune moutarde à la
fnac, deux couleurs qui si possible n'allaient avec rien, toujours
amusant de faire le lien entre le style de musique et le vendeur en
question.
J'y allais au moindre
événement marquant, rencontre inoubliable pour retrouver cette musique
que je venais de découvrir (à tous les sens, toute l'essence, toute
l'effervescence du terme enfin plutôt du début), rupture insurmontable
pour diluer la douleur (de terme justement), ou juste comme ça sans raison du tout, seule ou avec des
amis mélomanes, ou bien au détour d'une balade pas trop nocturne (mais
je crois qu'il y avait des nocturnes, d'ailleurs ? des jours où c'était
ouvert plus tard que les autres jours ?), ou juste parce que je passais
devant et voulais entendre une mélodie en particulier, ou celles d'un
album qui venait de sortir.
Clin d'œil à ceux qui comprennent, gratitude anonyme immense à ces derniers d'avoir été le témoin de mon
époque : car ces lieux n'existent désormais que pour nous, par
nous et en nous. La société, la technologie les rend désormais impossibles, désuets : elle n'a plus de lieu pour eux, elle les confine à nos mémoires et à nos cœurs : elle les atopise, elle les uchronise.
Il est là, mon âge,
bien plus que dans un sillon sur mon visage : dans des habitudes d'un autre temps, dans la nostalgie d'un lieu qui n'existe plus. Il se voit, mon âge, quand je parle aux jeunes de ces lieux et que leur sourcil se hausse, et que leur visage se plisse : mais de quoi elle parle, encore, youtube c'est bien plus pratique... alors je souris un peu : cela aussi passera... et je me demande de quels lieux ils auront la nostalgie, eux aussi un jour... j'essaye d'imaginer, et puis je souris tout à fait, dans l'imagination, elle est là notre jeunesse...
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