samedi 11 mars 2023

dichotomie de l'insomnie

Ça dort, dans la maison. Mais moi je ne dors pas. C'est le moment de la nuit le plus intime, aucun mensonge n'est possible. Les rôles de la vie quotidienne s'évanouissent, je ne sais pas s'ils s'évaporent ou bien s'ils fondent, ou bien si ce qui s'évapore est précisément ce qui fonde, ni même si ce qui s'effondre s'évapore, ni si ce qui sait vapeur sait fronde. Sans doute ces rôles se défaussent (et hop, dans la fosse) et il reste ce vertige abyssal du moi en suspension, ce rêve ce vestige abyssal de l'émoi points de suspension, et point de suspension pour les doutes qui m'assaillent.

Qu'est ce qui fait sens ? Sens ? Rien, pas de sens. Je tourne, je me retourne. Pas trop, sinon je vais déranger l'horizontal bien ordonné à côté de moi et son impatience me coûtera cette intimité précieuse, fût elle vertigineuse, du rendez-vous avec moi-même. Qu'est-ce qui reste ? Les vraies questions de la journée, celles qui prennent trop d'espace au moment où je les ai rencontrées, et celles qui ne me quittent pas. Ponctuellement, aussi, cette chanson, aussi, que j'ai écoutée mille fois mais toujours aussi juste, un manque lancinant, entêtant, que je fais de mon mieux pour occulter, endormir quand il fait jour, mais qui je sais se réveillera au tout creux de la nuit. La maisonnée dort. Si elle savait à quel point je ne dors pas...

Allez, je me retourne un coup, ça sera peut être mieux de l'autre côté, attention à ne pas arracher trop de couverture. Demain je réécouterai, mille fois sans doute, cette chanson, je jouerai à mes questions la flûte hypnotisante du serpent qui danse. La nuit dissout les rôles. Oui c'est de dissolution qu'il s'agit, bon c'est déjà ça d'avoir trouvé le mot exact. Après tout c'est une chance de les entendre, les questions.

Les doutes guident-ils autant que la lumière ?

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